Le gouvernement ivoirien a annoncé ce 12 mars 2025 la suppression totale de la taxe sur les transactions mobile money, une décision historique visant à accélérer l’inclusion financière et à intégrer 60 % de l’économie informelle d’ici 2030. Avec 18 millions d’utilisateurs actifs et un volume annuel de 15 000 milliards FCFA en 2024, cette mesure marque un tournant dans la stratégie nationale de digitalisation.
L’échec des hausses antérieures
En 2019, une augmentation de 7,2 % des frais sur les transactions mobile money avait provoqué une vague de protestations. À l’époque, le secteur représentait déjà 8 % du PIB avec 9,6 milliards € de transactions annuelles. Les consommateurs dénonçaient un « frein à l’inclusion financière » dans un pays où 80 % de la population n’avait pas de compte bancaire.
L’expérience d’autres pays africains comme le Ghana ou la Tanzanie avait montré les risques : après l’instauration de taxes similaires, ces États avaient enregistré une baisse de 20 à 30 % des transactions digitales et un retour massif au cash. Au Cameroun voisin, la taxe de 4 FCFA par transaction instaurée en 2025 avait déjà réduit de 15 % l’activité des agents mobile money.
Malgré 35 % de l’économie ivoirienne opérant dans l’informel, les taxes sur le mobile money n’avaient généré que 120 milliards FCFA de recettes en 2024, contre 400 milliards FCFA attendus. Pire, elles avaient favorisé la persistance des circuits parallèles : 65 % des petits commerçants préféraient encore les espèces en 2024 pour éviter les frais.
La nouvelle stratégie gouvernementale : zéro taxe sur les opérations Mobile Money
Entré en vigueur le 1ᵉʳ mars 2025, les mesures clés du décret 2025-127 comprennent:
- Suppression de la taxe de 0,2 % sur les transferts électroniques
- Subvention de 50 % sur les frais de transaction pour les PME enregistrées
- Obligation d’accepter les paiements digitaux pour les marchés publics
- Campagne éducative de 10 milliards FCFA via l’Agence de Promotion de l’Inclusion Financière (APIF-CI)
Selon la Banque Mondiale, chaque réduction de 1 % de l’économie informelle génère 0,5 point de croissance supplémentaire. En Côte d’Ivoire, cette dynamique pourrait créer des milliers d’emplois formels et augmenter les recettes fiscales via la TVA.
Dans les casses d’Abidjan, 70 % des échanges de pièces détachées s’effectuaient en cash en 2024. Avec la suppression des taxes, les garagistes adoptent massivement les solutions comme Wave ou Orange Money, réduisant leurs risques de vol.
Surmonter les réticences culturelles
Malgré les avancées, 55 % des ruraux restent méfiants envers le numérique. Seulement 35 % des femmes en milieu rural utilisent le mobile money contre 68 % des hommes.
Avec un taux de pénétration du mobile money passé de 40 % en 2020 à 68 % en 2024, la Côte d’Ivoire écrit une nouvelle page de sa révolution numérique. Cette réforme fiscale audacieuse pourrait servir de blueprint à toute l’Afrique, combinant inclusion financière et formalisation économique – un équilibre complexe, mais essentiel pour une croissance durable.