Avec 40% de sa production de cacao transformée localement et un prix bord champ fixé à 1 800 FCFA/kg, la Côte d’Ivoire redéfinit les règles de l’économie cacaoyère mondiale. Premier producteur mondial, le pays atteint des sommets inédits en valorisation de sa ressource phare, tout en augmentant drastiquement les revenus de ses 1 million de cultivateurs.
Une transformation locale en croissance exponentielle
La Côte d’Ivoire a multiplié par 2,3 ses capacités de broyage en dix ans, passant de 545 000 tonnes en 2013 à 972 000 tonnes en 2022 selon l’économiste agronome Jérémie Brou Kouadio. Résultat : 40% du cacao ivoirien subit une première transformation sur place contre seulement 22% en 2015, selon les données du Ministère de l’Agriculture. Cette métamorphose industrielle s’appuie sur :
- 12 entreprises agroalimentaires opérant 14 unités de production
- Des géants comme Barry Callebaut et Cargill, responsables de 65% des investissements sectoriels
- Un objectif gouvernemental de 100% de transformation locale d’ici 2030

« Nos 972 000 tonnes broyées en 2022 représentent 3,5 milliards $ de valeur ajoutée supplémentaire », souligne Kobenan Kouassi Adjoumani, ministre de l’Agriculture.
Une manne cruciale pour un secteur générant 15% du PIB national et 40% des recettes d’exportation.
Le prix historique de 1 800 FCFA/kg
La fixation du prix bord champ à 1 800 FCFA/kg en septembre 2024 marque un doublement par rapport à 2020. Pour sécuriser cette hausse, Abidjan a mis en place :
- Un fonds de régulation alimenté par les exportateurs
- La CMU (Couverture Maladie Universelle) étendue à tous les planteurs enregistrés
- Un dispositif anticyclique indexant 30% du prix sur les cours mondiaux
« Ce prix garantit enfin une dignité à nos 800 000 familles cacaoyères », se réjouit Aimé Kouassi, représentant des coopératives. L’effet levier est immédiat : +18% de surfaces plantées depuis l’annonce, selon les données satellitaires du CNRA.
Les défis d’une success story africaine : le cacao ivoirien
Malgré les progrès, la filière doit résoudre :
- La déforestation historique (-90% du couvert forestier depuis 1960)
- Le vieillissement des vergers (60% des cacaoyers ont plus de 20 ans)
- La pression climatique (-30% de pluviométrie dans le Sud-Ouest en 2024)
Si la transformation locale progresse, la Côte d’Ivoire ne capte toujours que 5 à 7% de la valeur finale des produits chocolatiers. Pour inverser la tendance, le pays mise sur :
- La chocolaterie ivoirienne (3 nouvelles usines en 2024)
- La Bourse des matières premières d’Abidjan (BEAC), lancée en 2023
- Des accords de copackaging avec des marques européennes
Le Plan National de Développement fixe des caps ambitieux :
- 100% de cacao tracé et certifié
- 50% de transformation locale dès 2025
- 25% de part dans le chocolat transformé mondial
« Avec 1,18 million de tonnes de capacité de broyage fin 2025, nous exporterons davantage de pâte que de fèves brutes », anticipe Jérémie Brou Kouadio, économiste agronome.
Avec 2,4 millions de tonnes produites en 2024 et une valorisation en hausse constante, la Côte d’Ivoire écrit une nouvelle page de l’histoire économique africaine. Reste à transformer cet « or brun » en véritable levier de développement inclusif – le défi majeur des prochaines années.