La Côte d’Ivoire, plaque tournante économique de l’Afrique de l’Ouest, fait face à un défi invisible : les réseaux de financement du Hezbollah. Avec 100 000 Libanais installés dans le pays, dont une majorité de chiites, et des transactions estimées à plusieurs centaines de millions de dollars par an, cette influence souterraine fragilise les institutions financières et alimente l’économie parallèle.
L’Afrique de l’Ouest présente des vulnérabilités criantes exploitées par les groupes terroristes : économie informelle, corruption endémique, et instabilité politique. Le rapport du GAFI souligne que 30 % du trafic de cocaïne transitant vers l’Europe passe par la sous-région, générant des flux financiers opaques. La Côte d’Ivoire, avec son port d’Abidjan et son secteur immobilier dynamique, devient un carrefour stratégique pour le blanchiment.
La communauté libanaise en Côte d’Ivoire, forte de 80 000 à 100 000 membres, contrôle près de 50 % du secteur privé ivoirien. Si tous ne soutiennent pas le Hezbollah, les liens communautaires et religieux facilitent les transferts. La zakat est détournée : jusqu’à 20 % des dons seraient acheminés vers le Liban via des fondations caritatives.
Les mécanismes de financement : entre légalité et criminalité
Le Hezbollah utilise des entreprises locales pour recycler l’argent issu du trafic de drogue et de diamants. À Abidjan, des immeubles de luxe dans le quartier de Marcory (surnommé « Petit Beyrouth ») servent de couverture. Selon le Département d’État américain, 30 % des revenus du Hezbollah proviendraient du trafic de cocaïne en Afrique de l’Ouest. Les réseaux collaborent avec des cartels sud-américains, transformant la Côte d’Ivoire en hub logistique. En 2023, une saisie record de 1,2 tonne de cocaïne à Abidjan a révélé des liens avec des comptes offshore liés au Hezbollah.
Impact économique : opacité et risques systémiques
L’infiltration des banques ivoiriennes par ces flux illicites a conduit le GAFI à placer la Côte d’Ivoire sur sa « liste grise »en octobre 2024. Les montants en jeu sont colossaux :
- 200 à 300 millions de dollars blanchis annuellement via l’immobilier abidjanais
- 45 % des donations religieuses détournées vers des comptes libanais
Ces pratiques privent l’État ivoirien de recettes fiscales et faussent la concurrence dans des secteurs clés (BTP, commerce).
Face aux pressions internationales, Abidjan a :
- Créé l’Agence Nationale de Lutte contre le Blanchiment (ANLB) en 2023
- Signé des accords avec Interpol et le FBI pour tracer les flux suspects
- Gelé 18 comptes bancaires liés au Hezbollah entre 2022 et 2024
Si les États-Unis sanctionnent des individus comme Mohammad Ibrahim Bazzi (condamné en 2024 pour financement terroriste au Gambie), les pays européens tardent à agir. La France, par exemple, n’a toujours pas inscrit le Hezbollah sur sa liste d’organisations terroristes.
L’urgence d’une réponse régionale face au Hezbollah
Avec 2,3 milliards de dollars de flux illicites estimés annuellement en Afrique de l’Ouest, l’enjeu dépasse la sécurité. Il s’agit de préserver l’intégrité des économies émergentes, alors que la Côte d’Ivoire vise un taux de croissance de 7 % en 2025. Sans action décisive, le rêve d’un marché ouest-africain intégré risque de se heurter à l’ombre portée du crime organisé.