La Côte d’Ivoire présente un paradoxe économique emblématique des pays subsahariens : un secteur informel représentant 41 à 47% du PIB et 93.8% des emplois privés, selon les dernières estimations. Cela signifie qu’environ 9 sur 10 travailleurs en Côte d’Ivoire n’ont ni contrat officiel ni protection sociale.
Ce dualisme économique interroge les fondements mêmes des modèles de développement, oscillant entre nécessité sociale immédiate et obstacles structurels à la transformation productive pour un pays qui vise l’émergence économique d’ici 2030.
Un amortisseur social historique
Avec 7 millions de travailleurs urbains, le secteur informel ivoirien absorbe l’essentiel de la croissance démographique (+2.5% annuel) et sert de tampon face au chômage, compensant les déficits chroniques du secteur formel. Son rôle d’employeur de dernier recours s’est accru après la crise politico-militaire de 2002 à 2011, période durant laquelle le taux d’emploi formel s’est effondré à 6.2%. La féminisation massive du secteur (66% des entrepreneurs informels) révèle une fonction d’autonomisation économique, bien que les revenus moyens y restent inférieurs au SMIG de 75 000 FCFA/mois.Mécanismes de résilience économique
L’enquête ERI-ESI 2017 quantifie à 3 210 milliards FCFA la valeur ajoutée annuelle des unités de production informelle, dont 1740,6 Milliards pour le commerce et 847,5 Milliards pour les services. Cette vitalité s’explique par :- Une flexibilité organisationnelle adaptée aux contraintes locales : 68% des entrepreneurs se financent grâce à leurs proches et disposent d’un faible capital de départ
- Une intégration aux chaînes de valeur formelles : 40% des PME formelles sous-traitent avec l’informel selon l’étude Traoré 2023
- Une innovation frugale, notamment dans l’agroalimentaire (transformation du manioc) et les services logistiques urbains
Le piège de la précarité du secteur informel
Les entreprises et travailleurs du secteur informel ne paient que peu ou pas d’impôts. Avec un taux de pression fiscale de seulement 8,4 %, l’informel peine à faire décoller l’économie.- Les revenus moyens (40 000 FCFA/mois) restent sous le seuil de pauvreté
- Seulement 1 entreprise sur 10 survit au-delà de 5 ans
- La productivité est 3 fois plus faible que dans le secteur formel
- Créer une base de données nationale avec des informations biométriques sur les travailleurs informels.
- Faciliter l’accès au crédit via une plateforme digitale centralisée
- Introduire une fiscalité progressive, avec un taux d’imposition réduit à 5 % les trois premières années.
- La complexité administrative réduit de 22 % les chances de formalisation complète.
- Se conformer aux règles coûte en moyenne 37 % du chiffre d’affaires annuel.
- Seulement 14 % des entreprises formalisées obtiennent réellement des prêts bancaires.
Comment mieux intégrer le secteur informel dans l’économie ?
La Banque mondiale propose une approche adaptée à chaque type d’entreprise. Pour les petits vendeurs de rue et artisans :- Mise en place d’un impôt unique réduit pour simplifier les démarches.
- Extension de la couverture santé universelle pour leur donner un minimum de protection sociale.
- Incitations fiscales sur les investissements productifs (exonération de 15 %).
- Accès facilité aux prêts et financements, avec un accompagnement pour la gestion d’entreprise.
- Digitaliser le suivi des transactions, notamment via mobile money, pour mieux comprendre les flux financiers du secteur informel.
- Créer des partenariats public-privé, en permettant aux entreprises informelles d’accéder aux marchés publics locaux.